Un autre regard, Podcast du NPA76

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Un autre regard est le Podcast du Nouveau Parti Anticapitaliste en Seine-Maritime, chaque épisode revient sur un moment historique, un fait d’actualité, sous un regard anticapitaliste, écosocialiste, féministe ou antiraciste. read less
Society & CultureSociety & Culture

Episodes

Un autre regard sur : Mai 1967 un massacre colonial en Guadeloupe
Apr 19 2024
Un autre regard sur : Mai 1967 un massacre colonial en Guadeloupe
Si officiellement le régime colonial a été aboli et la Guadeloupe devenue un département français en 1946, la situation antérieure perdure, la Sécurité sociale, le SMIG n'existent pas, et officellement l’État veut « civiliser » les jeunes. Le pouvoir s'inquiète du climat de décolonisation, une époque où les livres de Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs ou Les Damnés de la terre sont saisis. La violence coloniale est toujours là, par exemple lors du massacre de la saint Valentin en 1952, perpétré par les CRS qui tirent sur un barrage lors d'une grève sur les salaires à la sucrerie du Moule, faisant 4 morts et 14 blessés. Le racisme colonial est protégé. En Mars 1967, le propriétaire blanc d’un magasin de chaussures lâche son chien pour chasser un vieux cordonnier-cloutier ambulant noir et handicapé qui s'installe en face du commerce, avec la phrase « Dis bonjour au nègre ! », comme à l’époque où les chiens étaient employés à chasser les esclaves fugitifs. Cet incident est à l'origine d'émeutes et de grèves dans les jours qui suivent, sa Mercedes finit à l'eau, alors que le commerçant est exfiltré par le préfet. Une cinquantaine de personnes sont blessées dans les affrontements.La situation va exploser quelques mois après, le 26 mai 1967. Tout commence par une grève des ouvriers du bâtiment qui réclament 2,5% d’augmentation et la parité des droits sociaux. Un millier d'ouvriers se massent près du lieu des négociations, qui échouent, et circule le bruit que le dirigeant patronal a déclaré "lorsque les nègres auront faim, ils reprendront le travail". L’arrivée des CRS provoque la colère, aux lacrymogènes, aux coups de matraques et de crosses répondent les jets de pierres, de conques de lambi, de bouteilles. Le préfet, familier des pratiques coloniales en Indochine et en Algérie, donne alors l’ordre de tirer. La première victime est un militant du Groupe d'organisation nationale de la Guadeloupe, GONG, groupe indépendantiste derrière lequel l’Etat voit la main de Cuba : il a été ciblé comme tel. Puis deux autres tombent : la situation s'embrase, des barrages sont érigés, des voitures incendiées, des magasins, une armurerie sont dévalisés. Les gendarmes arrivent en renfort des CRS, puis des parachutistes. C'est le début de la tuerie qui va durer trois jours. Pointe à Pitre est en état de siège, les artères de la ville sont dégagées, badauds, riverains essuient les rafales meurtrières, des centaines de guadeloupéen.nes sont pris.es pour cible, blessé.es, mutilé.es. Les lycéen.nes qui manifestent pour dénoncer les crimes sont violemment réprimé.es.Toute la journée les assassinats continuent. Des corps sans vie sont furtivement récupérés par leurs proches. En plus des centaines d’arrestations, la chasse est lancée contre les "agitateurs, meneurs et instigateurs" Le 30 mai l'accord signé avec le patronat accorde une augmentation de 25% aux ouvriers ; 10 fois supérieure à ce qui était réclamé ! Les procès vont commencer dès le mois de mai suivant, les condamnations pleuvent. Le tribunal d'exception qu'est la cour de sûreté de l’Etat est saisi contre les indépendantistes qui vont être jugés en février 1968 pour avoir organisé l'émeute, ce qui est faux, elle était totalement spontanée, ce que demontrera une enquête ultérieure. Treize des 19 accusés sont acquittés mais 6 autres sont condamnés à des peines avec sursis. Le bilan officiel à l'époque du massacre est de 8 morts, une soixantaine de blesséEs et de trente gendarmes et CRS blessés. Vingt ans après, en 1985, le secrétaire d'Etat aux TOM DOM parle de 87 victimes. Des chiffres allant d’une fourchette de 100 à 200 morts ont même circulé. Le classement secret défense jusqu'en 2017 des documents de l'époque, la peur des représailles et la destruction des archives municipales et hospitalières compliquent la tâche des historiens pour évaluer le nombre de morts. La Commission Stora, dans un rapport remis à la ministre des Outre-mer en octobre 2016...
Un autre regard sur : Haïti conquiert son indépendance !
Apr 5 2024
Un autre regard sur : Haïti conquiert son indépendance !
Haïti, l’ancienne colonie française de Saint-Domingue a été le premier état noir dans l’histoire moderne à obtenir son indépendance, a la suite de la seule révolte d’esclaves victorieuse. La colonie, avec le sucre, les distilleries, le coton, le café, le cacao, jouit d’une prospérité qui repose sur le travail d’un demi-million d’esclaves. En 1789, les deux tiers du commerce extérieur de la France se font avec elle, c’est le plus grand marché de la traite européenne des esclaves. C’est une combinaison d’arriération et de modernité : le grand commerce bâti sur la traite négrière et l’esclavage a ses racines dans un mode de production très avancé, un laboratoire du capitalisme gouverné par des relations maîtres-esclaves particulièrement brutales, les blancs, 7 % de la population, faisant régner la terreur. Si la révolution française de 1789 n’aboli pas l’esclavage, elle déclare l’égalité des droits pour tous les hommes libres, y compris les métis et les noirs, ce qui représente un danger pour les esclavagistes, qui organisent un groupe de pression dans l’assemblée pour l’annulation de ce vote l’année suivante. Les esclaves qui observaient les effets de la Révolution en France décident alors de se battre eux-mêmes pour leur libération. La révolte commence en août 1791, en quelques jours, détruit toutes les plantations du nord, tue un millier de blancs. Face à l’avancée des troupes noires, l’esclavage est aboli a Haïti, quelques mois avant d’être abolit dans toutes les colonies. Il s’agit de rallier les anciens esclaves à la république pour contrer les projets d’invasion par l’Angleterre et l’Espagne. Les troupes noires dirigées par Toussaint Louverture, un esclave porté par les idéaux de liberté et d’égalité, refoulent les espagnols, puis combattent et prennent le dessus sur une expédition britannique de près de 60 000 hommes. C’est alors, en 1801, que Bonaparte envoie un contingent pour reprendre le contrôle de l’île. Il défait Toussaint Louverture qu’il envoie en prison en France où il mourra mais surtout rétablit l’esclavage dans toutes les colonies en 1802. Face à cette menace, l’armée noire reprend le combat, chasse les français, et proclame l’indépendance de la république d’Haïti le 1er janvier 1804. Au moins 100 000 noirs sont morts dans cette guerre de libération. Le fait que des hommes et des femmes qui, peu de temps auparavant, tremblaient devant les Blancs, s’organisent en un peuple capable de vaincre les principales puissances européennes esclavagistes et colonialistes de l’époque inquiète. Pour la bourgeoisie française, c’est une perte de profits et une défaite politique impardonnable, elle ne va pas en rester là. En 1825, la France envoie 14 navires de guerre, organise le blocus et menace Haïti d’intervention militaire si pour la reconnaissance de son indépendance, elle ne paye pas une «indemnité» de 150 millions de francs-or à ses anciens maîtres pour la perte de leurs propriétés. Même renégociée à 90 millions de francs-or en 1838, l’indemnisation est d’un montant largement supérieur aux moyens de la république noire naissante. Isolée, elle n’a d’autre choix que de payer la «rançon». Pour y parvenir, elle emprunte à des banques qui prélèvent au passage des intérêts. Double peine pour les Haïtiens et double bénéfice pour les banquiers. Le paiement de la « dette de l’Indépendance » s’achève en 1883. Mais pour finir de rembourser et pouvoir financer les infrastructures nécessaires au pays, en 1875, le gouvernement haïtien doit emprunter à nouveau. Une banque française a particulièrement profité de cette dette : le Crédit Industriel et Commercial (CIC), fondé par Napoléon III, au conseil d’administration de laquelle on trouve le descendant d’un des importants esclavagistes de Saint-Domingue… Cette servitude financière, aggravée par la cupidité et la corruption de gouvernements mafieux va accaparer l’essentiel des revenus du pays, empêchant tout développement propre et plongeant durablement ...
Un autre regard sur les paysan.ne.s du Larzac contre l’armée
Mar 29 2024
Un autre regard sur les paysan.ne.s du Larzac contre l’armée
Le gouvernement avait décidé en 1970 de quadrupler la surface du champ de manœuvres militaire qui existe sur le plateau du Larzac depuis plus d’un siècle. Les 103 paysans concernés, tant les anciens que les néoruraux qui pratiquent l'élevage de brebis pour la production de roquefort se mobilisent immédiatement contre ce projet, autour du mot d’ordre  « Gardarem lo Larzac », « Nous garderons le Larzac ». Dès les premiers rassemblements de 1971, ils sont soutenus par les courants de la gauche autogestionnaire, et les courants radicaux de la paysannerie. Face à l’enquête d’utilité publique, ils multiplient les initiatives étendant les alliances dans tous les milieux de la gauche. Des comités d’action Larzac sont créés dans toute la France. Les paysans combinent les actions sur tous les terrains, juridiques, légaux, illégaux, avec des actions spectaculaires permettant de médiatiser. Les moutons broutent sur le Champ de Mars à Paris, envahissent les tribunaux. Pour compliquer les projets de l’État et des promoteurs, ils divisent leurs terres en de multiples parcelles. Ils renvoient leurs livrets militaires, suivis par près de 3 000 Français. Ils invitent les contribuables à retirer les 3 % de l’impôt affectés à l’armée afin de les reverser à la lutte... Le 10 juin 1973, ils commencent à bâtir la bergerie la Blaquière évidemment sans permis, qui sera le lieu d’accueil du rassemblement de 80 000 personnes en août. Un public intergénérationnel, mélange de milieux ouvriers, paysans, étudiants et intellectuels se retrouve dans une atmosphère joyeuse et politique. Une délégation des salariés de Lip en lutte contre les licenciements est venue de Besançon pour vendre les montres assemblées par les grévistes. Cette mobilisation s’appuie sur la force du mouvement antimilitariste des années 70. En mars 73, Debré avait déclenché une vaste mobilisation lycéenne et étudiante avec l’annonce de la suppression des sursis au service militaire pour les plus de 21 ans qui leur permettait de faire plus tard leur service. « Faites labour, pas la guerre », arborent des T-shirts çà et là dans la foule. Elle s’appuie également sur le rejet du centralisme parisien en lien avec les mouvements régionalistes. Cette mobilisation annonce les luttes écologiques des minorités et populations autochtones dans le monde. C’est ainsi que l’actrice amérindienne Sacheen Littlefeather (connue également sous le nom de « Petite Plume ») rejoint le rassemblement avec une délégation. « Nous voulons faire connaissance avec tous ceux qui dans un monde nouveau veulent faire exister leur culture. Nous livrons le même combat », explique celle qui s’est illustrée quelques mois plus tôt en refusant un Oscar pour protester contre le sort réservé au peuple amérindien des États-Unis. L’écologie n’est pas le thème le plus mis en avant sur le Larzac, elle est cependant bien là et annonce même si ce n’est pas encore vraiment conscient, l’idée du respect de l’animal, d’une agriculture paysanne qui est celle des paysans du Larzac en opposition à l’élevage industriel, à la monoculture et aux produits chimiques. Après 1973, d’autres rassemblements suivront sur le plateau, fortement chargés de symbolique, réunissant chaque fois plus de monde : il y aura 1974, 1977… puis une nouvelle marche sur Paris en 1978, avant la victoire finale avec l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République qui annonce, un mois plus tard, l’arrêt de l’extension du camp militaire. Après cette victoire, la lutte continue, contre la mondialisation néolibérale, les décisions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En 2000, pour faire suite au démontage du MacDo de Millau un an plus tôt, un grand rassemblement accueille plus de 100 000 personnes au pied du causse. Puis en 2003, c’est 300 000 personnes qui sont au rendez-vous, parce que « D’autres mondes sont possibles » : c’est la grande époque de l’altermondialisme.
Un autre regard sur les insurrections des canuts
Mar 22 2024
Un autre regard sur les insurrections des canuts
Ces insurrections de 1831 et 1834 marquent l’entrée d’une nouvelle classe sociale sur la scène de l’histoire, la classe ouvrière. La ville de Lyon est prospère, elle concentre 52 000 ouvriers et ouvrières de la soie, réparti.es dans 30 000 ateliers. Apprentis, ovalistes, dévideuses, compagnons et chefs d’ateliers, celles et ceux que l’on appelle les canuts, travaillent entre 15 et 18h par jour, au service des 5 à 600 marchands-fabricants qui leur commandent des étoffes. Depuis les années 1790, les canuts revendiquent l’existence d’un tarif, un prix de façon pour chaque étoffe, pour éviter la négociation individuelle et la fluctuation des prix. En mars 1831, face à l’augmentation des impôts, cette revendication refait surface. Les chefs d’ateliers mettent en place une Commission qui organise des assemblées dans toute la ville, et les manifestations des canuts contraignent les marchands-fabricants à signer un accord sur un tarif… qu’il s’empressent de dénoncer, soutenus par le gouvernement. En réponse, le 21 novembre la grève est totale, la manifestation des canuts est mitraillée par une légion de la garde nationale composée principalement de fabricants. C’est l’insurrection, des barricades sont construites dans le quartier de la Croix Rousse, une d’entre elles arbore un drapeau noir, la couleur du deuil, marqué de la devise « vivre en travaillant ou mourir en combattant », les canuts sont rejoints par des ouvriers d’autres corporations. Ils s’emparent des casernes et des arsenaux, libèrent les prisonniers pour dette. L’état envoie 20 000 soldats pour écraser l’insurrection et imposer l’abandon du tarif. La mobilisation des canuts ne faiblit pas, alors que des luttes dans toute la France se multiplient, en février 1834 une nouvelle grève est organisée, cette fois-ci par la Société du devoir mutuel sur laquelle il faut dire quelques mots. Elle a été créée quelques années avant, en 1828, en opérant la rupture avec les traditions anciennes du compagnonnage, qui opposaient les ouvriers des corporations différentes, elle regroupe tout.es les ouvrières et ouvriers de toutes les professions de la soie. L’insurrection de 1831 en a fait un groupe de plus en plus revendicatif, en même temps qu’elle a tourné les canuts vers le mouvement républicain, qui les a défendu contre la répression avec une structure unitaire le Comité d’ensemble, qui regroupe les sociétés républicaines et les délégués mutuellistes de différentes professions. Cette évolution vers le combat politique est renforcée par les attaques du gouvernement. Contre la liberté de la presse qui concerne aussi l’écho de la fabrique, journal dirigé et rédigé par des ouvriers canuts qui exprime les avancées politiques du milieu en écrivant par exemple « Toute la classe des travailleurs s’ébranle et part à la conquête d’un monde nouveau ». Contre la liberté d’action des associations qui touche en même temps la Société du devoir mutuel que les associations républicaines comme la Société des droits de l’homme. A la suite de la grève de février 1834, des ouvriers sont inculpés, à l’époque le fait même de faire grève est un délit qui peut conduire à la prison, et une nouvelle grève est appelée au moment de leur procès. La mobilisation s’amplifie, des manifestations sont organisées, et le 9 avril, les barricades transforment le quartier de la Croix Rousse en véritable camp retranché. D’autres quartiers ouvriers se soulèvent, la Guillotière, Vaise, l’insurrection dans laquelle sont unis les canuts, les autres professions ouvrières et les républicains gagne une partie importante de la ville. L’objectif est de renverser le gouvernement, la Monarchie de juillet, et de proclamer la République. L’insurrection lyonnaise et les barricades parisiennes en soutien seront réprimées très violemment, plus de 200 insurgés y sont assassinés, des centaines d’insurgés emprisonnés et jugés l’année suivant dans un procès monstre à la mesure de la crainte de la bourgeoisie et de l...
Un autre regard sur la théologie de la libération
Mar 15 2024
Un autre regard sur la théologie de la libération
Ce mouvement est apparu en Amérique latine pour rendre dignité et espoir aux pauvres et aux exclus, pour la libération des peuples. La théologie de la libération est la pointe visible d’un changement profond au sein des églises et du peuple chrétien, la forme théologique d’une pratique sociale qui a prit son essor en Amérique latine dans les années 1960, au carrefour de débats internes à l’église catholique et des bouleversements économiques et sociaux. Dans les années 1950 s’expriment de nouvelles formes de christianisme social, en France c’est le mouvement des prêtres ouvriers, de l’action catholique ouvrière, et des mouvements de jeunes. En Amérique latine, l’industrialisation et la modernisation économique des multinationales accentuent le sous développement, approfondissent les contradictions sociales en concentrant dans les villes un immense prolétariat pauvre issu de l’exode rural, alors que la révolution cubaine offre une perspective anti impérialiste, socialiste et que se multiplient les dictatures militaires. Le mouvement va surgir dans les mouvements laïcs et certains membres du clergé actifs auprès de la jeunesse étudiante, des syndicats et des communautés ecclésiales de base, dans les luttes sociales pour la terre et pour l’éducation populaire, dans le combat politique pour la démocratie contre les dictatures militaires conservatrices. Et des prêtres, puis des évêques sont entraînés. Des théologiens vont développer à partir des années 1970 une certaine interprétation du message chrétien. Pour eux Dieu est du côté des pauvres, des opprimés et des proscrits, pour la justice sociale.Ils véhiculent une utopie du « Royaume de Dieu » comme une société nouvelle ici, fondée sur l’amour, la justice et la liberté, et les luttes sociales sont des étapes d’une longue marche qui préfigurent et annoncent ce « Royaume ». Ils affirment que l’église doit comprendre et reconnaître le péché social, celui que la société capitaliste inflige à ses victimes, dénoncer le processus de dépendance organisé par les nations riches qui augmente la dépendance en enrichissant les grands centres du nord et appauvrissant les régions périphériques du Tiers monde. Par exemple, les évêques et supérieurs religieux de la Région Centre-Ouest du Brésil écrivent en 1973  : « Il faut vaincre le capitalisme : c’est le plus grand mal, le péché accumulé, la racine pourrie, l’arbre qui produit tous ces fruits que nous connaissons si bien : la pauvreté, la faim, la maladie, la mort (...). Pour cela, il faut que la propriété privée des moyens de production (usines, terres, commerce, banques) soit dépassée ». Enfin pour eux le principe dynamique de la société est le mouvement de celles et ceux d’en bas qui sont destinés à être les agents de leur propre libération. Cette convergence pratique entre catholicisme et marxisme s’est concrétisée par l’engagement de frères, de prêtes, dans l’action de résistance, y compris armée contre les dictatures. Rome a vite accusé les évêques de promouvoir des idées marxistes en dressant les pauvres contre les riches, et a tout fait pour réduire le courant de la théologie de la libération, par des sanctions et la nomination d’évêques conservateurs. Si le pape actuel dénonce le néolibéralisme, la corruption, critique les conditions économiques responsables de la pauvreté, le rôle des modèles actuels de production et de consommation dans la crise écologique, les pauvres sont pour lui toujours considérés comme un objet d’attention, de compassion et de charité, alors que pour la théologie de la libération, les pauvres doivent être les sujets de leur propre libération. Par contre le Mouvement des Sans Terre, aujourd’hui un des plus importants mouvements sociaux du Brésil et de toute l’Amérique Latine, qui rassemble des centaines de milliers de paysans dans le combat pour une réforme agraire radicale, s’il est parfaitement séculaire et non-confessionnel,
Un autre regard sur la grève des mineurs de 1963
Mar 8 2024
Un autre regard sur la grève des mineurs de 1963
Elle se produit à un moment charnière des mines dans l’économie et la société française. A la fin de la seconde guerre mondiale, le charbon représente près de 90 % de la consommation énergétique hors carburants, et les mineurs, héros de la résistance, sont les acteurs du redressement économique. Les mines sont nationalisées, et le Statut est instauré qui prévoit entre 4 et 5 semaines de congés payés, assure au mineur pour la vie le logement, le chauffage , la sécurité sociale minière, et des dizaines de milliers d’embauches sont effectuées. La puissance des mineurs et de la CGT, va être attaquée dès 1948 par les décrets qui renvoient au régime social d’avant guerre, et la répression violente de la grève de riposte par le socialiste Jules Moch qui envoie 60 000 policiers pendant 56 jours a un bilan terrible 6 morts, 3 000 condamnations et 6000 licenciements. C’est à ce moment que le lent déclin des mines commence. La mécanisation des puits permet une augmentation du rendement : la production atteint son apogée, autour de 59 millions de tonnes par an, en 1959-1960, alors qu’est décidée la diminution de la place du charbon. Deux raisons pour cela : le choix politique et économique de recourir au pétrole en remplacement du charbon produit en Europe, et la volonté du pouvoir de de Gaulle de pousser encore son projet de réorganisation de l’appareil industriel, qui nécessite de défaire les salarié·es. Cinq ans après le coup d’État de 1958, il s’estime indestructible, il a gagné quatre référendums de suite avec des scores entre 62 à 90 % et obtenu une majorité absolue au parlement lors des législatives de novembre 1962. Dans les mines les conditions de travail s’aggravent, mais ce qui concentre la colère est le niveau de salaire inférieur de 11 % à celui des autres secteurs. Les négociations ne donnant rien, la CGT appelle à une grève totale les 1er et 2 mars suivie d’une grève du rendement pendant 15 jours. FO et CFTC, alors en pleine évolution vers la CFDT, décident une grève illimitée à partir du 1er mars. De Gaulle décide de réquisitionner les grévistes des cokeries, indispensables pour le fonctionnement des hauts fourneaux et de la fonderie, puis, voyant la réussite de la grève du 1er mars, totale dans les houillères du Nord Pas-de-Calais et en Lorraine, la réquisition de tous les mineurs. La quasi totalité des 230 000 agent·es des charbonnages (dont 2/3 travaillent au fond) refusent la réquisition, défient de Gaulle. La réquisition voulait jeter la panique et semer la division. Elle a l’effet inverse, décuple la combativité, soude le mouvement, solidifie l’unité syndicale. La solidarité de la population avec les mineurs est énorme et constitue le deuxième mur contre lequel le gouvernement va se heurter. Des manifestations associent la population aux mineurs. Une grève CGT-CFDT-FEN-UNEF de 15mn contre l’atteinte au droit de grève est massivement suivie. Des collectes sont organisées dans tout le pays, à l’étranger, les artistes s’y mettent, d’immenses quantités de vivres sont envoyées, 23 000 enfants sont accueillis pour les vacances de Pâques. Dès la fin du mois de mars, des sommes correspondant à plusieurs jours de salaires sont versées. Alors que les négociations entre les mineurs et la direction piétinent, la quatrième semaine de Congés payés est obtenue dans le textile et la métallurgie de la région parisienne : la grève des mineurs a modifié le rapport de force. Après 38 jours, l’accord signé prévoit une augmentation des salaires sur un an, puis la quatrième semaine de congés. Ce n’est pas la victoire totale, mais le pouvoir gaulliste est ébranlé. Les travailleurs sortent plus forts du premier affrontement social depuis 1958. En 1965, de Gaulle ne sera pas élu au premier tour de la présidentielle, mis en ballottage par Mitterrand soutenu par le PCF, le 10 janvier 1966 un accord d’unité syndicale CGT CFDT est signé ... 1968 n’est pas loin !
Un autre regard sur : pourquoi le 8 mars est-il le 8 mars ?
Mar 1 2024
Un autre regard sur : pourquoi le 8 mars est-il le 8 mars ?
Le 8 mars est désormais la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, mais d’où vient cette date ? Dès le milieu du 19ème siècle des groupes critiquant la domination masculine et soutenant l'émancipation des femmes se créent, militent pour l’égalité des droits, dont le droit de vote, des congrès internationaux de ces mouvements féministes se réunissent à partir de 1878. De leur côté, les socialistes organisent des conférences internationales des femmes socialistes, à l’initiative des allemandes, la plus active étant Clara Zetkin, qui animait une structure socialiste féminine clandestine, puisque les femmes n’avaient pas le droit d’adhérer à un parti politique, autour du journal « féministe » l’Égalité. Si le Parti socialiste d'Amérique avait appelé le 28 février 1909 à une première Journée nationale de la femme, célébrée ensuite jusqu'en 1913 le dernier dimanche de février, c’est au cours de la deuxième conférence internationale des femmes socialistes qui réunit une centaine de femmes venant de 17 pays différents, qu’est avancée l’idée d’une journée internationale des femmes, comme moyen d’agitation pour obtenir le droit de vote, car le point central de la conférence était la discussion sur cette question, avec deux objectifs. Convaincre tous les partis socialistes de s’engager dans cette bataille.  Refuser l’alliance avec les suffragettes caractérisées de bourgeoises qui acceptaient que le droit de vote soit dans un premier temps restreint aux femmes ayant une forme de propriété, ce qui excluait les ouvrières. L’idée d’une Journée des femmes pour le suffrage universel, sans distinction de sexe et sans condition, en collaboration avec les organisations politiques et syndicales est donc l’initiative du mouvement socialiste pour contrecarrer l’influence des groupes féministes sur les femmes du peuple. Mais le Congrès ne donna pas de date, la première Journée est célébrée le 19 mars 1911, en Allemagne, en Autriche, au Danemark et en Suisse, plus d'un million de personnes participe aux rassemblements. Le 25 mars 1911, un incendie pendant une grève des couturières dans un atelier textile de New York tue 140 ouvrières, dont une majorité d'immigrantes italiennes et juives d'Europe de l'Est, enfermées à l'intérieur de l'usine. Cette tragédie est commémorée par la suite lors des Journées internationales des femmes qui font le lien entre lutte des femmes et mouvement ouvrier. De 1911 à 1915, des « journées internationales de la femme » ou « des ouvrières » sont célébrées dans plusieurs pays, notamment en Allemagne, en Autriche, en France et en Russie. En Russie elle est célébrée en 1913 et en 1914. Et c’est le 23 février 1917 (8 mars dans notre calendrier) que la grève des femmes ouvrières de St Petersbourg et leur manifestation déclenche la révolution de février qui chasse le Tsar. Le nouveau pouvoir soviétique issu de la révolution d’Octobre, qui met en place le droit de vote universel, instaurera à partir de 1921 le 8 Mars comme journée des femmes. Après 1945, elle est officiellement célébrée dans tous les pays socialistes mais, elle s’y apparente plutôt à la fête des mères. L’ONU crée en 1977 une symbolique journée internationale des femmes le 8 mars. Le Mouvement féministe en France, qui avait appelé dès juin 1974 à une grève des femmes pour protester contre le travail domestique non reconnu, obligatoire et non payé s’empare de cette date, pour demander qu’elle soit reconnue comme jour férié, chômé et rémunéré. Le Mouvement de Libération des Femmes engage une démarche auprès de Mitterrand après son élection en mai 1981 pour que soit reconnue cette journée, elle sera officialisée par le gouvernement socialiste quelques mois plus tard, le 8 mars 1982. Au delà des commémorations officielles symboliques mais sans effet, elle est l’occasion d’une mobilisation des mouvements féministes pour les droits des femmes et désormais des minorités de genre,